Il y a plusieurs années déjà, une amie proche s’est trouvée enceinte de son premier enfant. Comme toujours dans ses cas-là, elle n'a pas annoncé la nouvelle à son entourage avant la fin du premier trimestre, par crainte d'une fausse couche précoce. Dans les premiers temps, elle n'en a parlé qu'à sa famille proche, y compris à sa sœur, et a ajouté : « Je ne me permets pas de m'en réjouir tout de suite, car on ne sait jamais ce qui peut arriver ».
Sa sœur, très sage, et qui avait déjà vécu une fausse couche elle-même, lui a répondu immédiatement : « SI ! Sois heureuse, reconnaissante et réjouis toi de cette grossesse ! Chaque minute et chaque jour ou ce bébé est dans ton ventre est un moment de bonheur. Tu ne sais pas ce pas ce qui va se passer ensuite, alors profite du moment présent et ne pense pas à l’avenir parce que tu ne peux pas le contrôler ! »
La gratitude... Le Saint Graal ! ... L'état que l'on nous dit tous de rechercher et d'atteindre.
“Réveillez-vous le matin et pensez à 3… 5…10 choses pour lesquelles vous êtes reconnaissant. Cela changera votre vie et vous rendra plus heureux.” Cela semble simple, n'est-ce pas ? Levez-vous le matin et commencez à énumérer. « Je suis reconnaissant de me réveiller ce matin. Je suis reconnaissant du soleil qui brille dehors. Je suis reconnaissant pour ma maison, ma famille ou mon chat... » Peu importe... Il semble que la plupart des gens pourraient facilement trouver au moins trois choses... mais le problème n'est pas tant de savoir pour quelles raisons éprouver de la gratitude que de savoir COMMENT l'éprouver. Lorsque l'on commence à regarder au-delà de la surface, on constate que pour de nombreuses personnes, s'il n'est pas difficile de trouver des choses à apprécier, se laisser aller à la gratitude est un tout autre problème.
Qu'est-ce qui empêche certains d'entre nous d'être reconnaissants ?
En un mot: LA PEUR. Comme mon amie dans l'histoire, beaucoup de gens disent qu'ils ont peur que s'ils se laissent aller au bonheur, à la satisfaction, à la joie et à la gratitude, ils s'exposent à la perte, à la déception et à la tristesse. Comme si toutes les bonnes choses qui leur arrivent en ce moment étaient en quelque sorte un coup de chance et qu'en se rejouissant ils risquaient de le faire disparaitre.
Nous craignons que le fait de nous ouvrir au sentiment de gratitude nous rende plus vulnérables et nous avons peur de tout perdre. Il y a plusieurs raisons à cela : l'une d'entre elles est l'idée de mérite. Nous avons grandi dans une culture où l'on nous dit que nous devons réussir à tout prix. Être le meilleur, avoir le plus, mais au prix d'efforts acharnés. Dans cet état d'esprit, il y a deux solutions: soit vous avez le sentiment que ce que vous avez est impermanent, car lié à votre travail, et que dès que vous cessez de faire de votre mieux, vous risquez de le perdre. Ou, si vous souffrez du syndrome de l'imposteur, vous pouvez penser que vous ne le méritez pas et qu'il peut vous être retiré à tout moment et donné à la personne méritante.
Ne pas oser se réjouir « trop » de quelque chose est une façon de se protéger : si je ne me sens pas trop chanceux, trop heureux, alors je ne risque pas de tomber de trop haut au cas où un évènement malheureux se produirait. Si vous vous laissez aller à vous sentir heureux, au sommet du monde, vous avez l'impression que la seule direction dans laquelle vous pouvez aller est vers le bas. Vous essayer d'éviter les mauvaises émotions telles que le désespoir, l'embarras ou la déception en supprimant les bonnes.
L'autre ennemi de la gratitude est la CULPABILITE. Nous nous disons : « Pourquoi ai-je cela alors que mon ami, qui est tout aussi méritant que moi, connaît beaucoup plus de difficultés ? » Parfois, nous avons l'impression d'être moins méritants que quelqu'un d'autre. Cela peut nous mettre dans une position où éprouver de la gratitude serait mal perçu et nous la refusons en signe de solidarité.
La vérité, c'est qu'il n'y a pas de mérite ou de non-mérite, pas d'équité ou d'iniquité. Ce que vous avez en ce moment et pour quoi vous êtes reconnaissant existe simplement. Tout ce que vous avez à faire est de l'accepter et non de le remettre en question.
Nous créons parfois la culpabilité en essayant de nous imposer la gratitude. « J'ai un toit au-dessus de ma tête, j'ai une belle maison, je devrais être tellement reconnaissant que nettoyer derrière ma famille jour après jour devrait être un plaisir, et non une corvée. » La dernière chose dont vous avez besoin est de vous obliger à vous sentir reconnaissant pour quoi que ce soit. Bien qu'il soit toujours bon de prendre conscience de toutes les bonnes choses de votre vie, si le sentiment de gratitude n'est pas naturel, ne le poussez pas. Parfois, vous n'êtes pas dans le bon état d'esprit.
Essayer de forcer la gratitude, c'est comme essayer de forcer l'amour ou l'admiration, ça ne marche pas. Si vous essayez de vous convaincre que vous devez apprécier quelque chose, arrêtez tout de suite. Respirez, recentrez-vous et dites-vous que vous détestez nettoyer la belle maison, la voiture ou la piscine que vous avez la chance d'avoir ! C'est normal de ne pas ressentir de la gratitude tout le temps, même si vous savez au fond de vous que vous avez de la chance d'avoir ce que vous avez. Peut-être qu'une autre fois, lorsque la maison sera propre et que les enfants seront endormis, vous serez plus à même de la ressentir, et c'est normal ! Dans un moment où vous vous sentez triste ou contrarié, ajouter de la culpabilité n’entrainera rien de bon. La gratitude est là pour vous servir et non l'inverse.
En résumé : OUI, le bonheur que nous ressentons en ce moment n'est que temporaire et, un jour, TOUT nous sera enlevé. Les gens, les lieux, les choses que nous aimons. Nous finirons par tout perdre. Le fait que les choses aient une fin les rend-il moins précieuses ? Au contraire, cela devrait les rendre encore PLUS précieuses, plus chères et plus dignes de notre entière gratitude. Lorsque vous tenez votre petit bébé dans vos bras, le fait de savoir qu'il sera adulte bien trop tôt rend le moment plus précieux. Lorsque vous regardez le coucher de soleil avec la personne que vous aimez, le fait de savoir qu'un jour vous serez séparés rend le moment encore plus beau.
L'instabilité et l'incertitude de la vie ne sont pas seulement ce qui rend plus important le fait d'être reconnaissant, elles sont ce qui fait que cela vaut la peine de l’être en premier lieu. Si tout nous était acquis, sans questions, la gratitude n’aurait pas lieu d’exister. Avoir quelque chose qui, dans un moment parfait, vous rend si heureux, si complet, et refuser de l'apprécier de peur de le perdre, c'est la véritable punition que vous vous infligez à vous-même.
Lorsque vous commencez à pratiquer la gratitude, vous ne vous débarrassez pas seulement du poids du destin ou de la fatalité, mais vous créez également une vision plus belle du monde dans votre esprit. Le succès appelle le succès. Plus vous serez reconnaissant, plus vous trouverez de raisons de l'être. Même les erreurs et les échecs ne vous paraîtront plus aussi graves et vous serez plus à même de les considérer comme des occasions de grandir et d'apprendre. Dans un état d'esprit où vous refusez de vous laisser aller à la gratitude, en cas de déception vous vous direz sûrement : « Je savais que c'était trop beau pour être vrai », « Je savais que je ne pouvais pas continuer à être aussi chanceux/heureux. » « Cela devait se terminer tôt ou tard ». Ce « je savais » créant un précédent dans votre esprit et une bonne raison de continuer à ne pas vous réjouir de toutes les bonnes choses dans votre vie.
Lorsque vous vous sentez bien, célébrez les bons moments, tous les beaux instants, un matin ensoleillé, un ciel étoilé, un inconnu souriant sur le chemin du travail, un siège dans un train bondé, une chanson que vous aimez sur les haut-parleurs du magasin.... La hauteur à laquelle vous vous élevez ne détermine pas la longueur de la chute. Au contraire, lorsque vous remplissez votre cœur et votre esprit de positivité et de gratitude, les bas ne seront plus aussi bas, et vous serez en mesure de voir les solutions et les possibilités là où vous n'auriez vu que l'échec.
Lorsque vous ne vous sentez pas bien: accueillez et acceptez votre situation et le fait que vous ne pouvez pas être reconnaissant en ce moment, même si vous savez qu'il y a des choses dans votre vie qui vous sont précieuses et que vous apprécieriez en temps normal, mais que ce n'est pas le cas à cet instant. Laissez-vous aller à la contrariété, l’agacement et la colère si vous en avez besoin. Laissez-vous aller et accueillez ces sentiments au lieu de les repousser et d’essayer d’en forcer d’autres plus acceptables... Vous ressentirez peut-être de la gratitude pour la liberté que vous vous accordez.
La gratitude vous rend plus fort. Lorsque vous commencez à voir tout ce qui est bon autour de vous, vous prenez conscience de toutes vos ressources et c'est l'état d'esprit dont vous aurez besoin pour affronter au mieux les incertitudes de la vie.
La gratitude remplit votre réserve de positivité qui vous aidera lorsque, inévitablement, vous rencontrerez un obstacle sur la route.
La gratitude vous ramène au présent, « ici et maintenant »: je suis reconnaissant, je suis heureux. Peu importe ce qui s'est passé avant ou ce que l'avenir nous réserve. C'est MAINTENANT, c'est ICI et je suis reconnaissant.
Alors, laissez tomber la peur et osez la gratitude! Cela n'empêchera pas les mauvaises choses d'arriver, mais cela vous permettra de ne pas passer à côté des bonnes !
Gaelle Chatenet, Janvier 2025
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